Le Club de Mogador : Légende d'une Ville Cosmopolite
Fondé au tournant du siècle par un personnage charismatique du nom de Pepe Ratto , un sujet britannique d'origine sévillane, le Club de Mogador fut dès ses débuts un espace unique en son genre. Ratto, entrepreneur audacieux, était également le propriétaire de l'Hôtel La Palmera , un autre lieu légendaire de la ville. Ayant sa réputation en tant que consul du Brésil et commerçant influent, Ratto rêvait d'un lieu où les élites de Mogador pourraient se rencontrer bâtir, discuter et échanger librement, loin des tensions du monde extérieur.
"Premier emplacement du Club de Mogador." |
Dans cette ville marocaine marquée par la diversité, le club était une enclave de tolérance et de modernité. Contrairement à d'autres cercles plus exclusifs, il accueillait des membres de toutes confessions et origines sociales, pourvu qu'ils partagent un amour pour la convivialité et l'échange intellectuel.
“Club de tennis à Mogador, photo non datée.” |
Mais en 1917, le destin frappa brutalement. Pepe Ratto, ce bouillonnant entrepreneur, mourut soudainement, plongeant le club dans une période de doute. Sa disparition laissait un vide immense. Il n'était pas seulement le fondateur, mais l'âme du Club de Mogador. Après sa mort, la présidence fut confiée à Boulle , un directeur d'agence de la compagnie Paquet. Cependant, même avec ce changement de direction, il était clair que l'esprit d'insouciance et de complicité qui avait marqué l'ère Ratto ne serait plus jamais le même.
“Membre du Club Mogador en 1922 (Collection S. Levy-Corcos).” |
“Membre du Club Tennis à Mogador (Collection Melca.info)” |
“Emplacement du club de 1922, maintenant café Bab LAÂCHOUR. Photo 2023.” |
Ce nouveau chapitre était marqué par une ambiance légèrement différente. Le club, autrefois simple lieu de détente et d'échange, s'est transformé en une institution influente. C'était ici que les grandes décisions étaient évoquées, que les alliances se formaient, et que les projets économiques prenaient racine. Boulle, bien qu'un dirigeant compétent, ne possédait pas le charisme de Ratto, mais il avait compris que pour survivre, le Club de Mogador devait s'adapter à son époque.
“Bal du 16 mars 1935 au Club Mogador. (Photo : Melca.info)” |
Malgré ce renouveau, l'ombre du passé continuait de planer sur le Club de Mogador. Tandis que l'Hôtel La Palmera, autrefois joyau de la famille Ratto, tombait en ruines après la Première Guerre mondiale et l'occupation militaire française, le club lui-même commençait à ressentir les effets des changements politiques et sociaux du pays. La montée des mouvements indépendantistes marocains et l'éloignement progressif des élites européennes transformèrent peu à peu la ville et son club.
Peu à peu, la grandeur du Club de Mogador s'estompa, ses membres s'éloignèrent, et l'établissement autrefois vibrant devint un lieu fantomatique. Les conversations passionnées, les rires et les échanges intellectuels qui avaient animé ses salles firent place au silence.
La Maison de France à Mogador en 1947 |
Aujourd'hui, le Club de Mogador n'est plus qu'un souvenir pour ceux qui ont connu sa splendeur. Les descendants de ces familles cosmopolites, juives, européennes et musulmanes, se rappellent encore des soirées étoilées où l'on discutait du monde, dans une ville où la diversité culturelle était célébrée. Dans les ruelles de Mogador, on raconte encore l'histoire de Pepe Ratto, ce pionnier qui rêvait d'unir les cultures à travers un lieu unique, où l'Atlantique apportait avec lui non seulement des vagues, mais aussi des idées et des espoirs. du meilleur monde.
Aujourd'hui, des échos et des rumeurs courent dans les ruelles d'Essaouira. On parle d'une acquisition récente de l'ancien Club de Mogador, installé en 1922 dans l'emplacement qui abrite actuellement le café "Bab Laâchour", par un investisseur souiri. Le lieu est actuellement en travaux, et certains se demandent : est-ce le retour tant attendu du Club de Mogador après tant d'années d'oubli ? Peut-être est-il sur le point de renaître, avec tout le charme et la splendeur qui firent sa réputation jadis. Ainsi, le Club de Mogador est devenu une légende vivante, un symbole de l'âge d'or d'Essaouira, cette ville portuaire où l'échange et la tolérance furent, un temps, les maîtres-mots.
“Des enfants musulmans et juifs à BHAR LAKLUB (La Plage du Club).” |