Le Souk El Jadid de Mogador : Carrefour des Tissus et des Cultures


Le Souk El Jadid , au cœur de Mogador (aujourd'hui Essaouira), est un lieu emblématique où s'entrelacent les richesses de l'artisanat et du commerce international. Dans les ruelles de ce souk, les étals regorgent de tissus venus des quatre pièces du monde, offrant un éventail de textures, de couleurs et de motifs qui témoignent des échanges intenses entre cette ville portuaire et le reste du monde. Inspiré par les archives sur le commerce de Mogador, cet article se concentre sur les différents types de tissus trouvés dans ce marché, leur origine et leur rôle dans la vie locale.

Un Carrefour de Textiles : La Diversité du Souk El Jadid
Le Souk El Jadid, dont le nom signifie "le Nouveau Marché", a toujours été le reflet de l'importance du commerce textile à Mogador. À une époque où le port de la ville était l'un des plus actifs du Maroc, ce marché accueillait des tissus venant de diverses régions, chacun répondant aux besoins spécifiques de la population. Le document que nous avons sous les yeux révèle plusieurs catégories de textiles qui dominaient le commerce local, allant des cotonnades européennes aux soieries exquises en passant par des draperies prises pour les habitudes locales.

Les Cotonnades : Une Origine Européenne
Le marché de Mogador était inondé de cotonnades , de tissus légers et imprimés largement importés de l'Europe, et plus spécifiquement de la France. Ces cotonnades étaient populaires pour leur qualité et leur capacité à s'adapter aux besoins vestimentaires de la population locale. Les cotonnades blanches, par exemple, étaient très prisées par les commerçants locaux et les artisans du souk pour confectionner des vêtements simples mais élégants, souvent portés par les habitants de Mogador.


L'importation de cotonnades imprimées d'Europe, particulièrement de France et d'Angleterre, répondait à une demande croissante des habitants pour des tissus légers, adaptés aux climats chauds de la région. Cependant, la variété de ces tissus allait bien au-delà des simples cotonnades. On retrouve dans le Souk El Jadid des tissus aux motifs complexes, reflétant les tendances et les influences étrangères, mêlées aux goûts locaux.


Les Toiles Bleues : Un Écho des Routes de Commerce : Un autre tissu emblématique du Souk El Jadid était la toile bleue , également connue sous le nom de salempore ou guinee . Ce textile, d'une teinte indigo profonde, provenait principalement des Indes françaises, importé à Mogador via Marseille. Cette toile, durable et résistante, était extrêmement prisée par les habitants des zones rurales proches de Mogador, notamment les communautés qui parlent aux alentours de Marrakech.

Pendant des décennies, la toile bleue a joué un rôle central dans l'habillement des populations locales, hommes et femmes confondues. Ce tissu d'origine étrangère était cependant devenu un élément incontournable de la vie quotidienne, adapté aux exigences du travail dans des conditions parfois difficiles, tout en conservant une allure noble grâce à sa teinte indigo.


Au cours de la Première Guerre mondiale, des difficultés d'approvisionnement en raison des perturbations des routes commerciales ont fait apparaître sur le marché une variante anglaise de la toile bleue, fabriquée à Manchester. Cependant, malgré cette alternative, la toile bleue originale, teinte à l'indigo véritable, continuait à dominer le marché du Souk El Jadid en raison de sa qualité supérieure et de sa forte symbolique auprès des populations locales.


Draperies et Bonnets : Un Mélange de Tradition et d'Innovation

Outre les cotonnades et les soieries, les draperies étaient également omniprésentes dans le Souk El Jadid. Ces tissus, souvent utilisés pour confectionner des vêtements traditionnels comme les djellabas, étaient importés de France en grande quantité. La draperie noire et la draperie marine étaient parmi les plus recherchées, car elles servaient à créer des vêtements résistants pour la population masculine de la ville.

Le bonnet , un autre élément vestimentaire emblématique, jouait également un rôle important. Rouge pour les Arabes et noir pour les Juifs, ces bonnets étaient fabriqués à partir d'un tissu grossier et épais, importé presque exclusivement d'Allemagne et d'Autriche avant la Première Guerre mondiale. Ce tissu, bien que simple, portait en lui une forte symbolique culturelle et religieuse, et le marché du Souk El Jadid garantissait un approvisionnement régulier pour satisfaire la demande locale.


Les Soieries : Le Luxe de Lyon

Les soieries étaient un autre produit phare du Souk El Jadid, et celles venant de Lyon étaient particulièrement prisées. Le document que nous consultons souligne que les foulards de Lyon étaient les seuls admis par la communauté juive et arabe, témoignant de la renommée de ces textiles raffinés. La soie lyonnaise, célèbre pour sa douceur et sa brillance, représentait le luxe et le prestige dans une ville comme Mogador, où les influences européennes étaient fortement présentes grâce aux échanges commerciaux.

Ces foulards en soie, souvent portés lors des grandes occasions, ajoutaient une touche de raffinement à la garde-robe des citadins les plus aisés. De plus, leur popularité croissante montre à quel point le Souk El Jadid était devenu un lieu où le commerce local et international se rejoignait, attirant aussi bien les artisans que les riches marchands à la recherche de produits de haute qualité.


Le Souk El Jadid, Reflet du Commerce de Mogador
Le Souk El Jadid de Mogador était bien plus qu'un simple marché ; c'était un lieu de rencontre entre les cultures et les nations. La diversité des tissus disponibles, qu'ils soient des cotonnades légères, des soieries luxueuses ou des toiles bleues robustes, reflétait la position unique de Mogador en tant que carrefour commercial international. Le port de la ville facilitait l'importation de marchandises vers d'Europe, d'Asie et d'Afrique, tandis que les artisans locaux adaptaient ces produits aux besoins et aux goûts de la population marocaine.

Aujourd'hui encore, en flânant dans les ruelles d'Essaouira, on peut ressentir cette atmosphère si particulière qui régnait jadis dans le Souk El Jadid. Les tissus y continuent de raconter l'histoire d'une ville où le commerce n'était pas seulement une question de marchandises, mais aussi un échange vivant de cultures et de traditions.


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