Le Souk El Jadid de Mogador : Carrefour des Tissus et des Cultures
Pendant des décennies, la toile bleue a joué un rôle central dans l'habillement des populations locales, hommes et femmes confondues. Ce tissu d'origine étrangère était cependant devenu un élément incontournable de la vie quotidienne, adapté aux exigences du travail dans des conditions parfois difficiles, tout en conservant une allure noble grâce à sa teinte indigo.
Au cours de la Première Guerre mondiale, des difficultés d'approvisionnement en raison des perturbations des routes commerciales ont fait apparaître sur le marché une variante anglaise de la toile bleue, fabriquée à Manchester. Cependant, malgré cette alternative, la toile bleue originale, teinte à l'indigo véritable, continuait à dominer le marché du Souk El Jadid en raison de sa qualité supérieure et de sa forte symbolique auprès des populations locales.
Outre les cotonnades et les soieries, les draperies étaient également omniprésentes dans le Souk El Jadid. Ces tissus, souvent utilisés pour confectionner des vêtements traditionnels comme les djellabas, étaient importés de France en grande quantité. La draperie noire et la draperie marine étaient parmi les plus recherchées, car elles servaient à créer des vêtements résistants pour la population masculine de la ville.
Le bonnet , un autre élément vestimentaire emblématique, jouait également un rôle important. Rouge pour les Arabes et noir pour les Juifs, ces bonnets étaient fabriqués à partir d'un tissu grossier et épais, importé presque exclusivement d'Allemagne et d'Autriche avant la Première Guerre mondiale. Ce tissu, bien que simple, portait en lui une forte symbolique culturelle et religieuse, et le marché du Souk El Jadid garantissait un approvisionnement régulier pour satisfaire la demande locale.
Les soieries étaient un autre produit phare du Souk El Jadid, et celles venant de Lyon étaient particulièrement prisées. Le document que nous consultons souligne que les foulards de Lyon étaient les seuls admis par la communauté juive et arabe, témoignant de la renommée de ces textiles raffinés. La soie lyonnaise, célèbre pour sa douceur et sa brillance, représentait le luxe et le prestige dans une ville comme Mogador, où les influences européennes étaient fortement présentes grâce aux échanges commerciaux.
Ces foulards en soie, souvent portés lors des grandes occasions, ajoutaient une touche de raffinement à la garde-robe des citadins les plus aisés. De plus, leur popularité croissante montre à quel point le Souk El Jadid était devenu un lieu où le commerce local et international se rejoignait, attirant aussi bien les artisans que les riches marchands à la recherche de produits de haute qualité.
Aujourd'hui encore, en flânant dans les ruelles d'Essaouira, on peut ressentir cette atmosphère si particulière qui régnait jadis dans le Souk El Jadid. Les tissus y continuent de raconter l'histoire d'une ville où le commerce n'était pas seulement une question de marchandises, mais aussi un échange vivant de cultures et de traditions.