Les vestiges oubliés du fort portugais d'Essaouira : un héritage des vagues et du temps

 


Sur les rivages d'Essaouira, non loin de Oued Ksob, les restes d'un ancien fort, souvent surnommé « le fort portugais », se dévoilent sous l'assaut des vagues. Ces fragments de pierres, marqués par le vent et l'eau salée, sont tout ce qui subsiste d'une structure imposante qui a autrefois joué un rôle clé dans l'histoire tumultueuse de Mogador, l'ancien nom de la ville. Cependant, les racines de ce site sont bien plus profondes et complexes que ce que le nom laisse supposer.


La présence éphémère des Portugais à Mogador 
Entre 1503 et 1507, les Portugais tentèrent d'établir une présence durable le long de la côte atlantique marocaine. Ils construisent alors le Castello Real à Mogador, une petite fortification destinée à protéger leur colonie. Cependant, leur domination fut de courte durée, et après seulement quelques années, ils se retirèrent, abandonnant ces terres stratégiques.


Malgré l'importance que représente Mogador pour les échanges commerciaux, les Portugais ne parvinrent jamais à consolider leur pouvoir dans la région. Ce retrait précoce laissa derrière eux des structures inachevées ou délabrées, rapidement oubliées au fil du temps.

Une forteresse musulmane dissimulée sous des pierres portugaises
Ce qui distingue vraiment les vestiges de Oued Ksob, c'est qu'ils ne sont pas, contrairement à ce que l'on pense souvent, le fruit exclusif de l'occupation portugaise. Après leur départ, plusieurs dynasties marocaines prirent le contrôle de la région, et c'est sous le règne du sultan Mohammed ben Abdellah, au XVIIIe siècle, qu'Essaouira connut un renouveau majeur.


Entre 1760 et 1765, le sultan entreprit un vaste projet de fortification de la ville pour en faire un point clé. Parmi ces travaux, la réutilisation des pierres du Castello Real , qui avaient été démolies en 1767, permettent la construction de nouvelles structures défensives comme les célèbres Skallas du port. Cette fusion des pierres portugaises et des techniques architecturales islamiques illustre le soin avec lequel Mohammed ben Abdellah a intégré le passé pour façonner l'avenir d'Essaouira.

Les premières photographies des vestiges
L'intérêt pour ces ruines a grandi au début du XXe siècle, lorsque des photographes, en 1905, capturèrent pour la première fois les vestiges de ce fort qui subsistaient encore à l'époque.



Ces clichés, bien que rares et imparfaits, ont permis de documenter une structure déjà largement détruite par l'action des éléments. Grâce à ces images, nous disposons aujourd'hui d'un témoignage visuel précieux d'un site désormais presque entièrement effacé par la mer. Ces photographies sont la clé pour comprendre à quoi rappelle ce fort, autrefois imposant, dont il ne reste aujourd'hui que quelques pierres éparses.

Une confusion persistante dans la mémoire locale


Malgré ces efforts pour réécrire l'histoire à travers les archives et les recherches, une confusion persiste parmi les habitants. Les ruines visibles sur la plage de Oued Ksob sont souvent encore attribuées à l'époque portugaise, alors que la majorité des fortifications actuelles datent de la période du sultan Mohammed ben Abdellah. Cette idée fausse est probablement due au manque de documentation populaire et à l'érosion naturelle de la mémoire collective.
La brève occupation portugaise est trop éloignée pour avoir laissé une empreinte durable dans l'esprit des habitants. En l'absence de récits oraux ou écrits pour fixer ces événements dans le temps, les vestiges qui subsistent sont souvent à tort associés aux Portugais, bien que la plupart appartiennent à une époque bien plus récente de l'histoire marocaine.


Les pierres silencieuses de Oued Ksob:
Aujourd'hui, ces pierres battues par les vagues restent les derniers témoins d'un passé complexe et multi-couches. Ce qui fut d'abord une tentative portugaise de colonisation, puis une réappropriation par les sultans marocains, est désormais un site en ruines, mais qui continue de fasciner. Le vent et la mer ont peu à peu effacé les traces visibles de ce fort, mais l'histoire qu'il raconte demeure vivante dans les études et les légendes locales.
Les photographies de 1905 nous rappellent que, même si le temps a effacé la majorité de ce patrimoine, ces pierres restent les témoins silencieux d'une époque où Mogador était convoitée par des puissances étrangères. Elles rappellent également l'importance de la préservation de ces sites historiques, souvent négligés, qui témoignent du passé turbulent d'Essaouira.


Les vestiges du « fort portugais » d'Oued Ksob, bien que souvent ignorés, méritent d'être redécouverts et préservés comme un symbole de la richesse historique de la région. Ils nous rappellent que chaque pierre, aussi petite soit-elle, porte une partie de l'histoire du Maroc, une histoire marquée par les influences et les luttes pour le contrôle d'un territoire stratégique, avant de s'évanouir sous les coups incessants. du temps et de la mer.

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