Phare de Sidi Magdoul et la Colline du Bon Dieu : Mémoire d’une Essaouira Perdue entre Tradition et Modernisation
Non loin du phare, la colline du Bon Dieu était un lieu mystique entouré de dunes et de mimosas. Les femmes, vêtues de haïks, s'y rendaient régulièrement pour honorer la mémoire de leurs défunts en déposant des plantes et des fleurs sur les tombes. Ce lieu respirait la sérénité et la méditation. Les artisans et habitants d'Essaouira organisaient des pique-niques hebdomadaires, les fameuses "Nzaha", où les communautés juives et musulmanes se retrouvaient. Que ce soit pour célébrer les fêtes musulmanes comme l'Aïd el-Kebir et le Miloud, ou les fêtes juives comme Hanouka et Pessah, la colline du Bon Dieu offrait un cadre de rassemblement chaleureux et respectueux.
Une Convivialité Partagée entre Musulmans et Juifs
Sous le regard bienveillant de Sidi Magdoul, ces rencontres religieuses et culturelles reflétaient l’harmonie qui régnait autrefois entre les communautés juive et musulmane d'Essaouira. Les familles venaient partager des repas, organiser des fêtes en plein air, et perpétuer des rituels millénaires. C’était un temps où les distinctions religieuses s’effaçaient dans un esprit de convivialité, où les musulmans fêtaient aux côtés des juifs leurs grands moments, tout comme l’inverse lors des fêtes religieuses juives. Cela faisait partie de l’âme d’Essaouira, marquée par un cosmopolitisme et un syncrétisme culturel rare.
Le constat est clair : cette modernisation galopante a créé une fracture sociale. Les pêcheurs, artisans et habitants d'origine sont peu à peu chassés de leur propre ville, incapables de faire face aux coûts de la vie et de l'immobilier. Loin de leurs racines, ils s’installent dans les villages avoisinants, où les difficultés de transport et la précarité ajoutent à leur peine. Ainsi, ce qui était autrefois un espace de partage et de vie commune est devenu un lieu réservé à une élite, ce qui participe, selon Mana, à l'« expulsion douce » des plus démunis d'Essaouira.
Ce récit est un appel à préserver l’esprit des lieux et à résister à une transformation qui, bien que bénéfique économiquement, risque de faire disparaître la richesse immatérielle de la ville : ses traditions, son histoire, et sa convivialité légendaire.